Publié par TV5MONDE le 25/10/2018
Le téléphone d’Helena Maleno sonne au rythme des drames dans le détroit de Gibraltar. Au bout du fil, des migrants, qui tentent de rejoindre les côtes espagnoles, depuis le Maroc. L’Espagne est devenue en 2018 la première porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe. Quand la traversée se passe mal, certains contactent la militante espagnole. Grâce à leur géolocalisation, elle fait le lien entre eux et les équipes de sauvetages marocaines et espagnoles. Elle ne sait pas à l’avance qui, du Maroc ou de l’Espagne, fera le sauvetage et se défend donc d’aider les migrants à passer en Europe. « Je dois juste sauver ces vies », explique-t-elle.
Basée à Tanger depuis 15 ans, Helena Maleno est entrée en contact avec des migrants à travers son travail de journaliste et chercheuse sur la traite des êtres humains. Elle a décidé d’aider ceux qui risquaient leur vie. Son travail bénévole s’est transformé en combat. Car depuis plusieurs années, elle est inquiétée par la justice de son pays d’origine, l’Espagne. Elle a été visée par une enquête pour trafic d’êtres humains. Le procès n’a pas eu lieu, faute de preuve. « Pour les Espagnols je suis comme un Pablo Escobar de la Méditerrannée » témoigne-t-elle , « mais je ne gagne même pas un euro grâce à ça. C’est un nouveau type de délit, c’est un délit de trafic, bénévole ».
Mais l’enquête l’a poursivie, d’une rive de la Mediterannée à l’autre. Depuis un an, l’activiste espagnole doit faire face à la justice marocaine. Une investigation est en cours, pour les mêmes délits, suite à un rapport de plusieurs pages sur la chercheuse. Un document, qui aurait été transmis aux autorités marocaines directement par Madrid, selon le sénateur espagnol Jon Inarritu qui dénonce un acharnement contre elle. Il s’est adressé au ministre de l’Intérieur espagnol : « Helena Maleno, défenseur des droits humains, est actuellement accusé au Maroc, vous savez ce qu’il se passe. Ils ont un rapport, du commissariat général des frontières, envoyé par le gouvernement espagnol, ce même rapport qu’un procureur a refusé de traiter publiquement faute de preuves. »
Le cas d’Helena Maleno a été cité en exemple par un rapporteur de l’ONU. La militante a déjà été entendue plusieurs fois par la justice marocaine. Elle n’a pas le droit de quitter le pays pour le moment. Elle continue donc son combat, depuis son domicile tangérois, d’où elle a vue, ironie du sort, sur le consulat espagnol.