DÉFENSEUR·E

La biographie de Fabien est celle d’une vie consacrée à la défense des droits des migrants. Survivant d’une tragédie, militant au Maroc, il a fini par être reconnu comme défenseur des droits au niveau international jusqu’à ses derniers jours.

26 mars 1979
Cameroun

FABIEN DIDIER

Fabien Didier Yene est né le 26 mars 1979 à Omvan, une ville de la région de Mefou-Afamba, au centre du Cameroun. Etudiant passionné, il a néanmoins dû abandonner ses études faute de ressources financières suffisantes et se mettre très tôt à la recherche d’un avenir. C’est pourquoi, à l’âge de 24 ans, il a décidé d’entamer un processus migratoire vers le Maroc, un pays qui allait le marquer en tant que personne et en tant que défenseur des droits de l’Homme.

Il a essayé 23 fois de passer du Maroc en Espagne, en sautant les barrières frontalières des enclaves espagnoles, et même à la nage. C’est en 2006, lors d’une de ses nombreuses tentatives, que quelque chose a changé en lui. Il essayait de se rendre à Ceuta à la nage depuis la plage de Bel Younech, une traversée organisée deux par deux : lui nageait, portant à ses côtés Mama Jeanette, une camerounaise assez âgée, alors qu’Ibrahima, un nageur ivoirien relativement expérimenté, accompagnait Sonko, un jeune sénégalais. Ce jour-là, la gendarmerie a « appliqué » un de ses protocoles d’action : elle a récupéré les quatre personnes dans son bateau puis les a rejetées à l’eau afin qu’elles retournent au Maroc à la nage. Fabien a vu Sonko se noyer sous ses yeux. Des années plus tard, en 2012, le Comité des Nations Unies Contre la Torture condamnera l’état espagnol pour avoir entraîné la mort du jeune Sénégalais.

Fabien a survécu, ainsi que Mama Jeanette et Ibrahima. Mais suite à cela, le jeune homme a pris la décision de réclamer justice en dénonçant les faits. C’est alors qu’il a décidé de devenir défenseur. Depuis cette tragédie, il n’a jamais retenté de rejoindre l’Espagne. Il a commencé à militer au sein de l’ADESCAM (Association de développement et de sensibilisation des migrants camerounais au Maghreb) et, plus tard, il a intégré le CCSM (Collectif des communautés subsahariennes au Maroc). Il deviendra président des deux organisations et continuera de lutter, devenant une référence pour les administrations, les organisations sociales et les autorités consulaires au Maroc. Fabien a été l’un des premiers migrants subsahariens à obtenir une carte de séjour dans ce pays.

Il a également joué un rôle fondamental au sein de la Conférence non gouvernementale de 2006 sur les migrations, les droits fondamentaux et la liberté de circulation, organisée conjointement avec l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), ATTAC Maroc, Caritas Maroc et le Réseau euro-africain.

En 2010, Fabien a publié un livre intitulé « Migrant au pied du mur » (Ed. Atlántica Seguie), dans lequel il raconte comment son corps et celui de milliers d’autres compagnons migrants sont meurtris par les politiques de contrôle des frontières.

Un an plus tard, il débarque enfin en France, invité à présenter son livre. Il en parlera dans de nombreuses interviewes, insistant, avec un humour caustique et courageux, sur le contraste entre son voyage en avion, rapide et facile, et ses 23 tentatives, douloureuses et traumatisantes.

À partir de 2012, Fabien va devenir un défenseur des droits reconnu au niveau international, et ses interventions publiques en Europe et au Maroc vont se multiplier ; Son influence sera fondamentale sur la rédaction de la Charte mondiale des migrants proclamée lors de l’Assemblée mondiale des migrants à Dakar.

Installé en France, il devra de nouveau se battre pour la reconnaissance de ses droits dans ce pays sans oublier son engagement en faveur des droits de l’Homme et des personnes migrantes encore en transit.

Malheureusement, Fabien a perdu la vie trop tôt : le 14 avril 2019, il a succombé à une attaque cérébrale lors d’une visite dans son pays d’origine.

« On est là pour rêver, pour une utopie et c’est cette utopie qui va nous faire vivre ».