Ils le disent eux-mêmes : c’est une véritable guerre. Ndeubi Marie réclame justice au nom de son fils Larios, mort au cours de la « bataille de Tarajal », le 6 février 2014. Une mère traumatisée dont le seul désir, encore aujourd’hui, est d’avoir la possibilité de voir où repose Larios, de ramener ses cendres et lui célébrer de dignes funérailles.
Ce rapport intitulé « Après la frontière » traduit la militarisation croissante des frontières espagnoles par des noms et des corps. Sa particularité est d’être construit à partir des témoignages directs des victimes de ce conflit. Les enquêtrices du collectif Caminando Fronteras expliquent, en effet, que « la population en mouvement au coeur du sujet ». Face au récit habituel sur les mouvements migratoires, vus depuis ce côté-là du mur, celui de l’Europe, qui, dans le meilleur des cas, tend à “victimiser et instrumentaliser” les migrants, lorsqu’il ne va pas jusqu’à clairement les criminaliser, ce travail a pour but de donner la parole à ceux qui souffrent de ces temps si difficiles.
La scène décrite dans le rapport, avec des données allant de septembre 2015 à décembre 2016, dépeint le profil de celles et ceux qui essayent d’entrer en Europe par la frontière sud de l’Espagne et qui, malheureusement, finissent par s’y heurter parfois dramatiquement. Au fil des pages, ces personnes, originaires de 15 pays d’Afrique, racontent leur périple ; elles parlent de leur trajectoire marquée par une douzaine de lieux différents où elles ont passé tant de jours, voire d’années, à attendre et à souffrir : les forêts de Nador, Bel Younech, Castillejo, Boukhalef, Mesnana…