À l’occasion du 10ème anniversaire du massacre de Tarajal, Ca-Minando Fronteras continue de défendre les droits des victimes et de leurs familles lors des événements commémoratifs organisés en Espagne et au Cameroun

2024 marque le 10ème anniversaire du massacre de Tarajal. Une décennie d’accompagnement aux familles des victimes qui continuent à réclamer justice face à l'un des événements les plus scandaleux et cruels causés par la nécropolitique aux frontières de l'État espagnol.

Cette année, le collectif Ca-Minando Fronteras s’est joint à d’autres organisations pour exiger le respect des droits des victimes et de leurs familles, qui continuent à demander à l’État espagnol de leur permettre d’accéder aux corps de leurs fils et frères, et de les identifier en les enterrant selon leurs croyances.

De Madrid à Douala en passant par Algeciras, nous avons été présentes aux différents actes de protestation et de commémoration organisés pour dénoncer les événements du 6 février 2014, et pour honorer la mémoire des morts qui continuent d'être revictimisés aujourd'hui.

Le samedi 3 février, nous avons participé à la marche organisée à Ceuta où nous nous sommes rendus en pèlerinage sur la plage de Tarajal. Il est toujours particulièrement difficile de se rendre sur le lieu du massacre, dont notre organisation, qui a produit un rapport sur les faits qui a été versé à la procédure pénale, a été témoin à l’époque.

Le dimanche 4 février, l’association des familles des victimes s’est réunie à nouveau à Douala pour revendiquer leur droit à visiter les tombes où sont enterrés leurs proches, à être identifiés dans le respect de leur dignité et à récupérer leurs dépouilles mortelles. Au cours de la commémoration, elles ont expliqué l’importance dans leur culture d’avoir accès aux restes de leurs proches pour faire leur deuil et leur dire adieu. « Laissez-moi voir la tombe de mon fils, allez-vous me refuser cela aussi ? » a déclaré un père dans l’une des vidéos, demandant justice et réparation aux autorités espagnoles.

Le mardi 6 février, nous avons commencé la journée à 7h30, heure à laquelle les balles en caoutchouc ont été tirées sur un groupe de personnes sans défense qui nageaient en essayant de rejoindre la plage. À cette même heure, nous nous sommes rassemblées devant le Congrès des députés espagnol à Madrid et nous avons diffusé les enregistrements choquants réalisés à Tarajal pendant ces minutes poignantes. Le bruit des détonations pouvait être clairement entendu pour montrer l’extrême violence subie par les victimes. L’événement s’est terminé par le dépôt d’une bougie pour chacune des 14 victimes, en signe de souvenir et de commémoration.

Douze heures plus tard, à 19h30, nous avons à nouveau entendu des coups de feu sur la Plaza de Lavapiés, toujours à Madrid, où le message « Nous n’oublions pas » a été inscrit avec des bougies au centre de la place. Après la diffusion des audios, plusieurs personnes ont pris la parole au nom de différents collectifs pour expliquer les injustices causées par le racisme institutionnel dans les politiques frontalières.

Le lendemain, notre collègue Helena Maleno a fait une intervention au Parlement européen de Strasbourg devant les groupes de gauche et a tenu une conférence de presse à l’issue de son intervention. Elle y a présenté notre proposition de déclarer le 6 février comme la Journée européenne des victimes des frontières, en mémoire du massacre. Il a expliqué comment Tarajal avait marqué un avant et un après dans les politiques de mort mises en œuvre par l’Europe forteresse, en soulignant la lutte des familles comme un avenir de résistance. Bouyagui Diambou, frère d’une des victimes des frontières de 2023, a exigé aux autorités des processus de vérité, de réparation et de justice. Il a aussi rejoint la lutte de milliers de familles qui réclament une défense de la vie dans les territoires frontaliers.

Cette longue semaine d’événements s’est terminée pour nous par la projection à Algeciras du documentaire « Tarajal, transformer la douleur en justice« . Un travail qui, aujourd’hui encore, est aussi pertinent que le jour où nous l’avons filmé.

Les droits humains doivent toujours primer sur les politiques de contrôle des frontières.

À la veille d'un nouvel accord européen sur les migrations, il est important de rappeler l'impact de la nécropolitique sur le contrôle des frontières et l'externalisation. Le massacre de Melilla est un exemple clair de pratiques qui entraînent de graves violations des droits humains pour les personnes en déplacement.

Le mois de juin dernier a marqué le premier anniversaire de l’un des massacres les plus visibles et les plus terribles commis aux frontières européennes. Nous étions à Melilla pour commémorer le massacre qui a eu lieu le 27 juin 2022.

Les pratiques politiques d’externalisation ont eu un impact mortel sur la vie de nombreuses personnes : 77 victimes disparues et au moins 40 décès confirmés. Des centaines de jeunes vivent aujourd’hui avec des cicatrices physiques et mentales dues à la violence qu’ils ont subie, et des familles sont torturées quotidiennement pour la mort et la disparition de leurs proches.

Malheureusement, l’impunité face à la violence frontalière s’est imposée et permet aux États européens de continuer à s’orienter vers des politiques qui favoriseront l’augmentation des violations des droits humains aux frontières.

L’Union européenne organise une réunion à Grenade avec des postulats migratoires afin de continuer à renforcer l’externalisation et ses accords avec les pays tiers, sur la voie d’une plus grande militarisation des zones frontalières. Des propositions qui s’attaquent directement au droit d’asile et qui mettent à l’ordre du jour la criminalisation des défenseuses des personnes migrantes.

Nous savons que des temps encore plus difficiles vont arriver, c’est pourquoi aujourd’hui nous voulons aussi nous rappeler qu’il existe un mouvement de personnes, de familles et d’organisations qui continueront à défendre la vie tous les jours, en tissant des réseaux de résistance, comme ceux qui ont été générés le 24J dans la ville de Melilla.

Nous vous invitons à regarder le résumé vidéo de ce 24J, qui doit servir, aujourd’hui plus que jamais, à nous montrer où la nécropolitique nous mène, mais aussi à renforcer notre capacité à continuer à travailler contre la violence.

Semaine de plaidoyer pour les femmes défenseuses des droits humains à Genève

Dans le cadre du 25ème anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les femmes défenseuses des droits humains, Caminando Fronteras a participé avec des femmes défenseuses de différentes parties du monde à des actions de plaidoyer, de sensibilisation et de dénonciation qui ont placé les femmes défenseuses des droits humains au centre de l'action.

Au sein d’un réseau de femmes défenseuses du Honduras, du Guatemala, des Philippines, de l’Ukraine, du Nicaragua, de l’Arménie, du Myanmar, de l’Égypte, du Kenya et de la Zambie, nous nous sommes efforcés de rendre visibles les modèles spécifiques de criminalisation subis par les femmes défenseuses dans différentes parties du monde. Cette réunion nous a donné l’occasion de renforcer nos alliances avec des personnes et des organisations avec lesquelles nous partageons des objectifs et des valeurs dans la lutte pour garantir le droit de défendre les droits.

Nos réalités ont été présentées dans les groupes de travail sur la Discrimination à l’égard des Femmes et des Filles et sur les Disparitions Forcées et Involontaires, dont les travaux ont été alimentés par les informations précieuses que nos organisations apportent depuis le terrain.

Les rapporteurs des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats, sur la lutte contre le terrorisme et sur les femmes défenseuses des droits humains, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Comité des droits de l'enfant ont écouté les problèmes des différentes régions et les situations de harcèlement et de criminalisation subies par les femmes défenseuses des droits humains.

Depuis Caminando Fronteras, nous avons partagé le travail de la lutte à la Frontière Occidentale Euroafricaine, où le droit à la vie est violé jour après jour. Il a été important d’attirer l’attention du siège des Nations unies sur la responsabilité des États du Nord dans les violations des droits humains des personnes en déplacement. À cet effet, notre collègue Helena Maleno, défenseuse criminalisée et persécutée par l’Etat espagnol et le Maroc, a eu l’occasion de participer à la table ronde Women on the Front Line qui s’est tenue au Palais des Nations.

Dans son intervention, elle a pu donner notre point de vue sur la violation des droits à la frontière, les intérêts économiques qui se cachent derrière cette nécropolitique et les processus de criminalisation utilisés par les Etats pour attaquer les défenseurs des droits humains, en particulier lorsqu’il s’agit de femmes.

Nous continuons à tisser des réseaux de justice globale pour la défense de la vie.

Vous pouvez visionner l’intégralité du discours d’Helena ci-dessous.

Le 1er Congrès international des familles de victimes aux frontières, organisé par Caminando Fronteras, s’achève sur un grand succès en termes de fréquentation et de suivi en ligne.

Le 9 mai, pour la première fois, nous avons eu l’occasion d’écouter, dans un même forum, des proches de personnes disparues à la frontière, des spécialistes et des représentants d’organisations internationales qui ont participé au 1er Congrès international des familles de victimes des frontières.

Participants au 1er congrès international des familles victimes des frontières.

Les quelque 160 places disponibles dans l’auditorium de La Casa Encendida (Madrid) ont affiché complet quelques jours après le lancement de l’événement. En raison de cette grande affluence et de l’intérêt suscité par les thèmes abordés, le débat entre les participants et le public a été animé à tout moment, avec un échange incessant de témoignages, de propositions et de demandes et suggestions pour résoudre les difficultés rencontrées par les proches dans le processus de recherche et de reconnaissance de leurs êtres chers.

Les proches des victimes participant au 1er congrès international des familles de victimes des frontières.
L'événement a été suivi en direct sur nos chaînes Instagram et Twitter, où les témoignages les plus marquants de chaque table de discussion ont été recueillis. Au total, toutes les publications que nous avons générées autour du congrès ont atteint une portée de plus de 800 000 impressions, un chiffre qui montre l'intérêt suscité par une réalité totalement invisible en raison des politiques de contrôle des frontières.

Les personnes présentes dans la salle ont été rejointes par toutes celles qui ont suivi le congrès en streaming. Près de 1 000 vues ont été accumulées par la diffusion en espagnol, et 500 en français.

Lors du congrès, les familles ont exigé que les États remplissent leurs obligations et respectent les droits des personnes décédées et disparues aux frontières. Il est également apparu clairement que ce sont les réseaux que les familles tissent qui mènent les processus de vérité et de justice face à la nécropolitique des frontières.

Nous avons écouté les paroles de certains membres de la famille présents dans l’assistance.

Des demandes très précises ont été formulées : des procédures plus claires et plus transparentes lors du dépôt d’un avis de disparition dans les postes de police, une meilleure identification des cadavres qui apparaissent à la frontière, de meilleures bases de données pour les comparaisons post-mortem et ante-mortem, des enterrements dignes, la facilitation des processus d’identification autres que l’ADN, l’implication des consulats et des ambassades d’origine dans l’accompagnement des familles, ainsi que la facilitation de l’obtention de visas pour les recherches transnationales. Sans ces protocoles, les familles sont à la merci de la désinformation et des canulars, et continuent de subir une violation de leurs droits fondamentaux, car elles sont elles aussi victimes des politiques frontalières.

Activistas compartiendo sus estrategias en la búsqueda de verdad, justicia y reparación.

Parmi les interventions les plus marquantes que nous avons pu entendre, citons:

« Les familles organisées, qui prennent de nombreux risques, sont des acteurs centraux dans la recherche de la justice. Cela ne se produit pas dans d’autres crimes ».

Pablo Ceriani, Comité des Nations unies pour les droits des migrants et de leurs familles.

« Dans de nombreux pays, on assiste à une régression. Des barrières sont dressées pour que les gens puissent migrer de façon régulière. Cela crée des itinéraires plus dangereux. »

Felipe Gonzalez, rapporteur des Nations unies sur les migrants.

« Les moyens peuvent changer, les moteurs, les canoës, mais l’histoire est toujours la même. Au millimètre près . Les gens sont en mer depuis 5 jours et le premier contact avec une autorité européenne est avec Frontex parce qu’ils vont les interroger ».

Abdallah, membre de la famille d’une personne disparue.

« Si les ambassades de nos pays étaient impliquées dans la recherche des disparus, toutes les démarches seraient plus simples. Les familles ne peuvent pas identifier les corps, venir leur dire au revoir ou les enterrer dans leur lieu d’origine ».

Abdou Kane, porte-parole Here We Are Migrating.

« Il n’y a pas de projets de recherche des disparus parce qu’ils ne veulent pas reconnaître que les politiques migratoires sont injustes et prennent de nombreuses vies ».

Mamadou Mouctar Bah, leader communautaire.

« Les familles de migrants souffrent de la douleur, de la stigmatisation et du refus d’accès aux restes de leurs proches, ce dont les victimes du franquisme ont également souffert. Notre première réalisation a été de briser le silence. Mettre sur la table des victimes qui étaient invisibles afin de commencer à créer une sécurité et des protocoles dans la recherche des victimes ».

Almudena García-Rubio Ruiz, chercheuse à la société scientifique Aranzadi.
Avocats, chercheurs et experts médico-légaux participant au 1er congrès international des familles victimes des frontières.

« Les familles des victimes des frontières ont le droit d’être considérées comme des victimes, de savoir ce qui s’est passé, de chercher, de participer à l’enquête, d’enterrer leurs proches… ».

Patricia Fernández Vicens, avocate et défenseur des droits des migrants.

« La principale raison de la migration illégale est qu’il est impossible d’obtenir un visa légal, alors les gens paient des milliers d’euros pour monter sur un bateau et risquent leur vie pour migrer. Une politique migratoire humaine est possible. »

Ione Belarra, ministre des droits sociaux et de l’agenda 2030.

« Je suis la voix de beaucoup de mères, de pères, de frères et de sœurs. Ils ne peuvent pas être ici. Je ne suis que le corps, mais l’âme est aussi ici : toutes les mères et tous les pères ».

Katya, parente de la victime.

« Les morgues des côtes sont pleines de corps, pour chacun d’entre eux il y a une famille désespérée qui les cherche, on pourrait faire plus pour les aider, on pourrait travailler avec leur ADN ».

Parent d’une victime.

Caminando Fronteras s’est déplacé au Sénégal pour accompagner les familles des victimes de la route de l’Atlantique.

Nous nous sommes déplacés au Sénégal pour continuer à tisser des réseaux transnationaux avec les proches des victimes de la frontière. L’objectif du collectif lors de cette visite était de partager l’espace et le temps avec les familles que nous avons accompagnées dans la recherche de leurs proches au cours des dernières années. Nous voulions avoir la possibilité de nous regarder et de comprendre ce qui s’est passé dans leur vie après une perte aussi terrible, avoir l’occasion de discuter de leurs besoins et de leurs stratégies de résistance.

Dans ce pays, nous avons également pu rencontrer des organisations sociales qui nous ont montré leur vision du contexte et les défis auxquels elles sont confrontées pour accompagner les processus de réparation et de justice. Ces espaces sont fondamentaux pour partager et structurer de manière de plus en plus solide la lutte contre la violence générée par les politiques de mort établies à la frontière.

Le Sénégal est à l'origine de la route migratoire la plus meurtrière vers l'État espagnol : plus de 7 000 personnes sont mortes en essayant d'atteindre les îles Canaries depuis 2018, selon les données que nous avons documentées dans Caminando Fronteras. En fait, nous sommes face à l'un des voyages migratoires les plus dangereux au monde.

Beaucoup de ces personnes ont disparu en mer, provoquant une plus grande douleur chez leurs proches, qui n’ont même pas eu la possibilité de récupérer leurs corps et de les enterrer dans leurs communautés. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce voyage a été si important pour nous, car il nous permet de continuer à dénoncer les injustices telles que l’omission de secours ou les obstacles administratifs qui continuent d’empêcher l’identification des corps.

Pendant les jours que nous avons passés au Sénégal, nous avons pu renforcer les liens avec les familles et les communautés, et apprendre d’elles pour améliorer l’accompagnement que nous fournissons dans les processus de recherche de justice, de vérité et de réparation.

Ensemble, avec les familles au centre et la mémoire des victimes comme soutien, nous continuerons à lutter contre le régime des frontières qui cause tant de douleur.

Prix Desalambre décerné par Eldiario.es au meilleur travail de documentation pour le rapport « Contrôle du droit à la vie à la frontière occidentale euro-africaine » de Ca-Minando Fronteras

Caminando Fronteras recogiendo premio Desalambre por el informe Derecho a la Vida

Le jeudi 16 février 2023, le gala des IVe Prix Desalambre s’est tenu à Madrid. Ces prix, organisés par Eldiario.es, récompensent le travail d’activistes, d’organisations et de journalistes engagés dans la défense des droits de l’homme. Le travail de Ca-Minando Fronteras a été récompensé dans la catégorie du meilleur travail de documentation pour le rapport « Contrôle du droit à la vie à la frontière occidentale euro-africaine ».

Ce rapport, réalisé dans le cadre de notre Observatoire des droits de l’homme depuis 2015, est considéré comme la source la plus fiable lorsqu’il s’agit de comptabiliser le nombre de personnes tuées et disparues sur le chemin de l’Europe, en particulier sur les routes maritimes. Lors de la cérémonie de remise des prix, la responsable de la section Desalambre d’Eldiario.es, Gabriela Sánchez, a souligné la grande qualité des données fournies par le groupe, qui est devenu la meilleure référence pour les médias lorsqu’il s’agit de rendre compte des tragédies et des violations des droits qui se produisent à la frontière.

Nos collègues Helena Maleno, Lucas Vaquero et Erika Guilabert ont accepté le prix en remerciant toutes les personnes qui rendent possible la compilation d'informations aussi précieuses. Dans notre discours, nous avons eu des mots pour les familles qui n'abandonnent pas la recherche de leurs proches, pour les communautés en mouvement qui nous montrent la réalité de la vie aux frontières de la mort, pour les victimes elles-mêmes, dont la mémoire inspire notre lutte, et pour les compañeras qui ont fait partie de notre réseau à un moment ou à un autre au cours des 20 dernières années.

À eux tous, et à vous tous qui êtes toujours là, merci. Ce prix est aussi le vôtre.

Voir la vidéo de la cérémonie de remise du prix et le discours complet d’Helena Maleno.

Si vous souhaitez connaître les autres lauréats, vous pouvez consulter les nouvelles sur Eldiario.es.

Nous publions un article dans la première monographie sur les personnes migrantes mortes et disparues à la frontière de la revue internationale d’Anthropologie et d’Odontologie Légales

L’Association Espagnole d’Anthropologie et d’Odontologie Légales (AEAOF, dans son sigle en espagnol) consacre le sixième numéro de son périodique aux décès à la frontière. A partir de différentes perspectives, il analyse le contexte de cette réalité et décrit les défis multidisciplinaires pour la reconnaissance des droits des victimes et de leurs familles.
Nous contribuons à cette réflexion avec un article signé par le collectif : Personnes mortes et disparues à la Frontière Occidentale Euro-Africaine : droits oubliés, droits niés (pp. 18-26, en espagnol).
Nous apprécions le travail de l’AEAOF dans la recherche d’alternatives de différents domaines de responsabilité face à la réalité des morts et des disparitions de migrants à la frontière, reconnaissant l’engagement de l’organisation et de ses membres envers les droits humains et le travail en réseau dans différents domaines.

Résumé de notre contribution : 
C'est pourquoi notre collectif a préparé un article pour cette publication, qui est une synthèse de nos leçons apprises au cours de plus de vingt ans d'expérience dans la recherche de personnes disparues à la Frontière Occidentale Euro-Africaine. 
Dans cette monographie, nous offrons une vue d'ensemble de la situation actuelle des mouvements migratoires et de la manière dont ils sont affectés par les politiques qui ont transformé les frontières terrestres et maritimes entre l'Espagne et l'Afrique en espaces d'impunité et de violation des droits. 
Ensuite, nous analysons les décès et les disparitions de personnes en déplacement à ces frontières, sur la base des recherches quantitatives et qualitatives menées par notre organisation, et les difficultés existantes pour identifier les corps des personnes migrantes arrivant à l’État espagnol. Puis, nous étudions la violence spécifique et le profond impact psychosocial que ces décès et disparitions ont sur les familles dans les pays d'origine et les communautés de personnes en déplacement.
Dans nos écrits sont présentes aussi les différentes expériences de résistance et d'organisation collective tissées au niveau communautaire par les familles et les communautés pour initier des processus de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition. En conclusion, nous présentons les clés théoriques et pratiques qui devraient sous-tendre l'accompagnement en termes de droits, de droits humains pour toutes les victimes de la frontière, ainsi que pour leurs familles et communautés.

Le magazine peut être téléchargé dans son intégralité ici.

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Sept mois après le massacre de Melilla-Nador, les victimes et les proches continuent de réclamer justice

Hommage sur la clôture de Melilla, frontière avec Nador, six mois après le drame.

Pendant ce temps, plusieurs rapports indépendants, comme celui produit par Ca-minando Fronteras après le massacre, alors que les victimes étaient soignées, montrent la responsabilité du Maroc et de l’Espagne dans les événements.

Sept mois après la tragédie, nous avons réédité le rapport « Massacre à la frontière de Nador-Melilla le 24 juin 2022« . Notre collectif confirme qu’au moins 40 personnes ont perdu la vie, dont on ne sait pas encore combien pourraient faire partie des 77 victimes disparues selon les récits des survivants.

Aujourd’hui encore, le Maroc et l’Espagne font obstacle aux tentatives des familles de connaître la vérité et au déni du droit de rechercher les disparus et d’identifier les corps retrouvés. Nous sommes confrontés à un crime permanent qui n’a pas seulement été commis ce jour-là contre les personnes présentes à la clôture, mais qui est commis quotidiennement contre les familles en quête de justice. Tant les victimes que leurs bourreaux, dont les crimes sont restés impunis, savent clairement ce qui s’est passé ce jour terrible à la clôture de Melilla-Nador.

Ce rapport est basé sur la reconstitution des événements par les victimes du massacre elles-mêmes, que nous avons accompagnées depuis la tragédie. Les témoignages commencent par le harcèlement, la violence et la dépossession qu’ils ont subis dans les jours précédant le massacre de la clôture. Le rapport rend compte de la crise humanitaire qui a suivi, avec de profondes conséquences physiques, psychologiques et matérielles pour les survivants, qui ont fait l’objet d’une déportation et de poursuites judiciaires au Maroc.

Nous partageons les témoignages audio de trois survivants du massacre. Nous accompagnons leurs voix pour la justice, la vérité et la réparation. Écoutez-les ici.

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2 390 personnes migrantes ont perdu la vie en 2022 lors de leur voyage vers l’Espagne

Nous publions le rapport annuel de suivi des personnes migrantes qui meurent au cours de leur voyage migratoire vers l’Espagne par la Frontière Occidentale Euro-Africaine : Droit à la vie – Année 2022. Ce travail, préparé par l’Observatoire des Droits Humains de notre collectif, montre la tendance de plus en plus dangereuse des routes migratoires ces dernières années.

2 390 personnes ont perdu la vie l’année dernière. Ces chiffres, légèrement supérieurs à ceux de 2020, s’inscrivent dans la tendance d’une augmentation des décès au cours des cinq dernières années sur toutes les routes, maritimes et terrestres, vers l’Europe via l’État espagnol. Au sein de cette tendance, il convient de souligner l’exception de 2021 comme année fatale où 4 639 personnes sont décédées, liée au choc de l’augmentation exponentielle de l’utilisation de la route des Canaries.

Une fois encore, la route entre les côtes occidentales de l’Afrique du Nord et les îles Canaries se distingue comme la plus meurtrière, avec 1 784 victimes. Dans ce rapport, le collectif Caminando Fronteras analyse une liste de conséquences des politiques migratoires qui entravent, obstruent ou omettent de mettre en œuvre des mécanismes de sauvetage de la vie des migrants.

Le collectif a été témoin d’un cas flagrant de violation transnationale des droits à la frontière terrestre entre Melilla et Nador, où le 24 juin, 40 personnes ont perdu la vie dans un événement qui a impliqué l’utilisation de terribles moyens de dissuasion par les forces de police espagnoles et marocaines, y compris des balles. Sept mois plus tard, à la fin de l’année 2022, le ministère public espagnol a clos l’enquête sur cette tragédie et a indiqué que ni les actions des agents ni les refoulements ne présentaient de preuves d’un crime. Le rapport dénonce l’impunité de cette affaire, ainsi que la violation systématique des droits humains des deux côtés de la frontière pour les victimes et les survivants de la tragédie.

Ce travail met en évidence l’invisibilisation systématique de la route de l’Algérie, entre les côtes du nord de l’Algérie et le Levant espagnol et les Baléares, dans laquelle au moins 75 personnes ont perdu la vie en 2022. Le retard dans le signalement des bateaux manquants, associé à la distance et au danger de la route et à l’omission des sauvetages, place les migrants d’Algérie et leurs familles dans une situation de vulnérabilité particulière.

La plupart des victimes des routes migratoires meurent sans que leur corps ne soit jamais retrouvé (91,42%), ce qui a un impact terrible sur leurs familles et leurs communautés d’origine en raison de l’impossibilité de faire leur deuil et des implications juridiques et psychologiques.

Ce rapport met également en évidence la violence différenciée subie par les femmes et l’enfance migrante et expose le nombre de décès en 2022 : 288 femmes et 101 enfants.

Le rapport Right to Life Monitoring 2022 est publié un mois après l’étude longitudinale que nous avons menée sur les violations des droits humains à la frontière ouest euro-africaine entre 2018 et 2022. Les deux études sont disponibles en espagnol, catalan, français et anglais.

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Nous présentons le rapport « Victimes de la Nécrofrontière 2018-2022 » à Barcelone (19/12) et à Pampelune (21/12)

Cette publication résume les cinq dernières années de travail de notre Observatoire des droits humains à la frontière occidentale euro-africaine.

Chaque fin d’année, à Ca-minando Fronteras on fait le point sur la situation migratoire. Chaque année, nous publions un rapport qui rend compte des victimes des politiques migratoires au cours des douze mois précédents : personnes disparues ou décédées en route vers l’Europe, naufrages, pays d’origine et routes où l’on perd la trace de centaines de personnes. Cette année 2022, nous faisons le point différemment. Nous publions le nombre actualisé de victimes entre 2018 et 2022 (données mises à jour le 30 novembre 2022) sur la frontière occidentale euroafricaine et nous proposons une analyse diachronique qui nous permet de nous concentrer sur les effets de la nécropolitique contemporaine.

Nous publierons le rapport « Victimes de la Nécrofrontière 2018-2022 » à deux dates : le 19 décembre à Barcelone et le 21 décembre à Pampelune. Faites défiler vers le bas pour obtenir les détails de chaque présentation :

« Voces desde la frontera », au Centre de Cultura Contemporània de Barcelona.

Présentation internationale du rapport  » Víctimas de la necrofrontera 2018-2022 «  : une approche quantitative des données collectées par notre Observatoire des droits humains au cours des cinq dernières années, ainsi qu’une analyse qualitative de l’effet des politiques migratoires contemporaines sur les migrants et leurs familles. Avec la participation de Helena Maleno (fondatrice de Ca-minando Fronteras), Soda Niasse (militante des droits humains) et Oussman Ba (responsable de l’équipe psychosociale de la Délégation diocésaine des Migrations). Modérée par la chercheuse Blanca Garcés.
Quand : 19 décembre 2022, 18h30.
Où : CCCB, Barcelone. Carrer de Montealegre, 5.
Extra : Il y aura un streaming avec traduction simultanée en espagnol et en catalan.

Présentation internationale du rapport " Víctimas de la necrofrontera 2018-2022 "
Plus d’informations : Voces desde la frontera
« Víctimas de la necrofrontera 2018-2022. Por la memoria y la justicia », au centre culturel de la Fundación Caja Navarra à Pampelune.

 » Quels sont les chiffres qui perpétuent les morts à la frontière et quels sont ceux qui servent à défendre la vie ? « . L’observation de la réalité de la frontière occidentale euroafricaine n’est pas neutre et ceux qui abordent la connaissance dans une perspective de défense de la vie retrouvent immédiatement les droits des victimes et de leurs familles », explique-t-on dans le rapport pour rendre compte de l’importance de compter les victimes des frontières avec des outils quantitatifs et qualitatifs.
Nous partagerons le rapport dans le cadre d’un dialogue avec les organisations SOS Racismo Nafarroa et Ongi Etorri Errefuxiatuak et d’un débat sur la Frontière Sud, la Frontière Nord, le racisme et la nécropolitique. Helena Maleno (fondatrice de Ca-minando Fronteras), Maite Santamaría (Ongi Etorri Errefuxiatuak) et Beatriz Villahizan (SOS Racismo Nafarroa) y participeront.
Quand : 21 décembre 2022, 18h00.
Où : CIVICAN, Pamplona. Av. de Pío XII, 2.

Extra : Notre collègue Helena Maleno sera présente à une conférence de presse qui aura lieu dans la matinée, avant la présentation du rapport. Lieu et heure à confirmer.

Le rapport complet pourra se télécharger en espagnol, catalan, français et anglais sur notre site web à partir de la présentation du 19 décembre.

Vous recherchez un.e membre de votre famille ou un.e proche qui a disparu sur une route migratoire ? Si c’est le cas, contactez-nous ici: ici.

Nous sommes à la recherche de 47 hommes migrants disparus sur la route algérienne

14 oct victimas ruta canaria

Le 8 novembre 2022, deux bateaux ont quitté Boumerdès (Algérie) en direction Cabrera, aux îles Baléares. L’un d’eux est parti à sept heures du matin (7:00 UTC) au nombre de 26 hommes algériens à bord. L’autre était au nombre de 21 hommes migrants (12 algériens et 9 subsahariens).

Quelques semaines plus tard, un leader communautaire nous a alertés de la disparition des deux bateaux, information que nous avons immédiatement portée à l’attention du Salvamento Marítimo Baleares. Le service de sauvetage nous a informés qu’il avait déjà enregistré l’alerte et nous a expliqué les mesures qu’il avait prises : une recherche passive du bateau, des simulations pour essayer d’identifier les zones où il pourrait se trouver et un avertissement aux bateaux qui se trouvaient dans la zone à ce moment-là. À ce moment-là, le bateau n’avait toujours pas été retrouvé, bien que des avertissements aient continué à être transmis à des bateaux voisins. Quatre semaines se sont écoulées depuis que ces personnes ont quitté les côtes algériennes.

Nous sommes toujours à la recherche de ces deux bateaux et nous n’avons toujours pas d’autres informations. Dans le cadre de notre axe de travail Droit à la Vie, nous demandons plus d’efforts et de coordination dans la recherche des migrants disparus à la frontière. Vous recherchez un.e membre de votre famille ou un.e proche qui a disparu sur une route migratoire ? Si c’est le cas, contactez-nous ici: https://caminandofronteras.org/fr/victimes-et-bourreaux/

¿Estás buscando a un familiar o conocido desaparecido en una ruta migratoria? Si es tu caso, contacta con nosotras aquí.

COMMUNIQUÉ: Les violences policières à la frontière continuent de faire des victimes au Maroc.

Au vu de ce qui s’est passé sur la plage d’AKHFENNIR où une jeune femme migrante est morte après l’intervention des forces de police marocaines.

Hier, lundi 12 septembre, une femme migrante est décédée à la suite des blessures par balle à la poitrine, selon le témoignage des personnes présentes lorsque les forces de police marocaines ont tenté de les empêcher d’entrer dans l’eau dans une embarcation avec laquelle elles tentaient de passer en Espagne. La jeune femme faisait partie d’un groupe de 35 personnes, marocaines ainsi que subsahariennes, qui s’apprêtaient à embarquer sur une plage située entre les villes d’Akhfennir et de Tarfaya, au Maroc.

Lorsque les autorités sont arrivées sur les lieux, elles ont déployé une opération violente pour empêcher le bateau de partir, au cours de laquelle elles ont même utilisé des armes à feu avec des munitions mortelles.

La jeune femme qui est décédée n’est pas la seule victime de cette violence policière. Plusieurs autres membres du groupe ont dû être admis à l’hôpital, dont trois jeunes hommes marocains dans un état très grave. Trois d’entre eux – dont l’un est en soins intensifs – ont reçu une balle dans le dos. Deux jeunes hommes ont également été percutés par une voiture alors qu’ils tentaient de fuir le lieu de l’attaque.

A la lumière de ces faits, les organisations signataires du présent communiqué, exprimons ce qui suit :

  • L’utilisation d’armes à feu contre des civils non armés est une preuve supplémentaire de l’augmentation exponentielle du recours à la forcé par les forces de sécurité de l’État dans leurs actions sur le territoire frontalier, les personnes migrantes étant considérées comme une menace plutôt que comme des sujets de soins et de droits.
  • L’absence de mécanismes de contrôle et de supervisión des actions de la pólice perpétue l’impunité de l’usage de la forcé contre les communautés en mouvement, privant les victimes de leur droit à la réparation des dommages subis et contribuant à leur manque de protection contre les atteintes à leur intégrité physique, morale et psychologique.
  • L’externalisation du contrôle des frontières par l’Union européenne et l’État espagnol vers le Royaume du Maroc, récemment entérinée par l’allocation de 500 millions d’euros du budget de l’UE (une augmentation de 44,5% par rapport à la période précédente), continue d’aggraver la situation d’extrême vulnérabilité dans laquelle se trouvent les personnes migrantes dans ces territoires et viole systématiquement le droit fondamental à la vie.

Nous ne pouvons plus supposer, après les tragiques événements mortels de la clôture de Melilla, que les droits humains sont conditionnés par la coopération économique entre les pays.

Repose en paix. Vérité, justice et réparation pour les victimes.

13 septembre 2022

Organisations signataires

Ca-minando Fronteras

Asociación Apoyo

CIEs no Madrid

Comisión de Derechos Humanos del Iltre Colegio de Abogados de Baleares

Coordinadora de Barrios

Asociación Karibu

CP San Carlos Borromeo

Solidary Wheels

Asociación Elin

Mundo en Movimiento

Red Solidaria de Acogida

Balears Acollim

COMMUNIQUE: 29 MORTS AUX FRONTIERES EUROPEENNES

L’accord Espagne-Maroc sur l’immigration tue!

Les tragiques événements du 24 juin 2022 sur la frontière entre Nador et Melilla au Maroc rappellent, avec violence, l’échec des politiques migratoires sécuritaires. Les 27 morts et les centaines de blessés du côté des migrants comme ceux du côté des forces d’ordre marocaines sont le symbole de politiques européennes d’externalisation des frontières de l’Union européenne (UE), avec la complicité d’un pays du Sud, le Maroc. La mort de ces jeunes africains sur les frontières de la « forteresse européenne » alerte sur la nature mortifère de la coopération sécuritaire en matière d’immigration entre le Maroc et l’Espagne. 

Les prémices du drame de ce vendredi 24 juin ont été annoncés depuis plusieurs semaines. Les campagnes d’arrestations, de ratissages des campements, de déplacements forcés visant les personnes en migration à Nador et sa région étaient annonciatrices de ce drame écrit d’avance. La reprise de la coopération sécuritaire dans le domaine des migrations entre le Maroc et l’Espagne, en mars 2022, a eu pour conséquence directe la multiplication des actions coordonnées entre les deux pays.   

Ces mesures sont marquées par des violations des droits humains des personnes en migration à Nador, Tétouan et Tanger ou encore à Laâyoune et Dakhla. Le drame de cette triste journée est la conséquence d’une pression planifiée contre les personnes exilées. 

Depuis plus d’un an et demi, les personnes en migration à Nador sont privées d’accès aux médicaments, aux soins, voient leurs campements brûlés et leurs biens spoliés, leurs maigres denrées alimentaires détruits et même le peu d’eau potable qui est à leur disposition dans les campements, il est confisqué.   

Ces expéditions punitives ont abouti à une spirale de violence des deux côtés. Une violence condamnable quelles que soient ses origines, mais tout en rappelant la violence systémique que subissent les migrants à Nador depuis des années de la part des forces de l’ordre espagnoles comme marocaines. Des pratiques condamnées à de multiples reprises par des instances nationales, régionales et onusiennes. 

Face à ce nouveau drame aux frontières, et compte tenu de l’ampleur du bilan humain qui sera amené, hélas, à être revu à la hausse, les organisations signataires de ce communiqué annoncent ce qui suit : 

  • Nous exprimons nos vives condoléances aux familles des victimes, parmi les migrants comme dans les rangs des forces de l’ordre. 

  • Nous condamnons l’absence de prise en charge rapide des migrants blessés, qui a alourdi ce bilan. Nous exigeons qu’une prise en charge sanitaire adéquate et de qualité soit accordée à toutes les personnes hospitalisées à la suite de ce drame 

  • Nous exigeons que les autorités marocaines procèdent à l’identification et à la restitution des dépouilles des victimes à leurs familles, en collaboration avec les communautés des migrants

  • Nous exigeons l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire indépendante du côté marocain comme espagnol, ainsi qu’au niveau international pour faire toute la lumière sur ce drame humain. 

  • Nous exigeons la fin des politiques criminelles financées par l’Union européenne et ses nombreux complices, les Etats, certaines organisations internationales et plusieurs organisations de la société civile qui assurent la sous-traitance de ces politiques criminelles. 

  • Nous appelons les représentations diplomatiques des pays africains, présentes au Maroc d’assumer pleinement leurs responsabilités en matière de protection de leurs ressortissants, au lieu d’être complices des politiques en cours. 

  • Nous appelons les organisations et les mouvements de défense de droits humains et de défense des droits des personnes en migration à se mobiliser dans ce moment critique où le droit de la vie est plus que jamais est danger. 

Le 25 juin 2022, Rabat. 

 

La pire année aux frontières : 4404 victimes sur les routes d’accès à l’Espagne en 2021

Madrid, 3 janvier 2022.

Le collectif Caminando Fronteras a présenté, au début de l’année 2022, les chiffres du suivi des frontières effectué l’année dernière avec les interventions d’Helena Maleno, Coordinatrice du Collectif Caminando Fronteras, et de María González, responsable de l’Axe du Droit À la Vie. Au cours de l’année 2021, jusqu’à 4 404 victimes de la Frontière Occidentale Euro-africaine ont été recensées, grâce à des contacts directs avec les victimes elles-mêmes ainsi qu’avec leurs proches. De l’organisation, et de son travail en tant qu’Observatoire des Droits aux Frontières, les données documentées résultent:

  • 83 bateaux disparus avec toutes les personnes à bord.
  • Sur les 4404 victimes, 4175 personnes sont mortes en traversant la frontière, et 229 ont disparu.
  • 628 femmes et 205 enfants ont perdu la vie au cours de l’année.
  • 94,80% des victimes restent non identifiées.
  • Par rapport à 2020, les décès ont augmenté de 102,95 %.

Les données directes provenant de sources primaires ont été recoupées avec des sources officielles, des communautés de migrants et des organisations sociales sur le terrain avec lesquelles Ca-minando Fronteras est en contact permanent. Maintenant, si nous examinons la répartition des routes d’accès à l’Espagne en quatre routes différentes : i) la route des Canaries, ii) la route d’Alboran, iii) la route algérienne et iv) la route du Détroit, la dureté de la route des Canaries continue d’en faire la plus meurtrière des quatre. Sur cette seule route, on a compté jusqu’à 4016 victimes, dans les 124 naufrages dont le collectif a eu connaissance et qu’il a pu suivre. Toutefois, et malgré les difficultés répétées rencontrées sur la route de l’Algérie pour comptabiliser les navires – et les tragédies – qui s’y déroulent, jusqu’à 191 victimes ont été recensées dans 19 naufrages. Dans le cas du détroit de Gibraltar et de la route d’Alboran, les chiffres ne sont pas moins inquiétants, avec respectivement 102 et 95 victimes, pour un total de 27 naufrages (17 dans le détroit de Gibraltar et 10 à Alboran). Tous ces chiffres sont encore plus alarmants si on les considère sur une courte période, puisque les 893 victimes qui ont été recensées en 2019 ont déjà doublé l’année dernière, avec 2170 décès en 2020. Pire encore, les prédictions des données pour le premier semestre 2021 se sont réalisées : pour une année de plus, les chiffres ont doublé, atteignant 4404 victimes. Ces chiffres, en outre, croissent de manière exponentielle par rapport aux capacités d’un collectif, Caminando Fronteras, qui multiplie certes ses efforts, mais ne dispose toujours pas des outils nécessaires pour atteindre tout ce qui se passe à la frontière, et ne peut qu’admirer la passivité des Etats, des organisations internationales et autres institutions, face à la crudité de leurs clôtures et à leur nécropolitique.

Évaluations par Helena Maleno (coordinatrice de Caminando Fronteras) et María González (responsable de l’axe Droit À la Vie) (en espagnol):

Reportage : 2170 morts dans des naufrages en Atlantique en 2020 – TV5 MONDE

Publié par TV5 MONDE – Laura De Matos

L’ONG « Caminando Fronteras » (en cheminant les frontières) surveille les flux migratoires vers l’Europe. Selon sa dernière étude, 2 170 personnes sont mortes dans l’océan Atlantique en 2020 alors qu’ils tentaient de rejoindre les îles espagnoles des Canaries. Un chiffre presque trois fois plus élevé qu’en 2019. 

En 2020, près de 2 200 migrants auraient péri en mer en tentant de gagner l’Espagne – Le Parisien

Publié par Le Parisien le 29/12/2020 – Photographie par Reuters/Borja Suárez

Ce bilan est très lourd et correspond à plus du double des victimes recensées l’an passé. Selon une étude de l’ONG « Caminando Fronteras », qui surveille les flux migratoires, 2170 migrants sont morts en tentant la traversée maritime vers l’Espagne contre seulement 893 en 2019. La plupart d’entre eux, 85 % des décès, soit 1851, se sont produits au cours de 45 naufrages en route vers les Canaries, indique l’étude. Les arrivées de migrants dans cet archipel ont augmenté cette année à cause des contrôles renforcés en Méditerranée, autre itinéraire permettant d’atteindre l’Espagne.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur espagnol, du 1er janvier au 30 novembre 2020, 19 566 migrants ont atteint l’archipel, contre 1993 en 2019. Pour le seul mois de novembre, ce sont selon le ministère plus de 8000 migrants qui ont débarqué aux Canaries, archipel espagnol au large des côtes nord-ouest de l’Afrique.

Un plan d’urgence lancé

Le gouvernement espagnol a lancé un plan d’urgence visant à créer 7000 places d’hébergement temporaires aux Canaries grâce à 84 millions d’euros de fonds européens, en plus de loger des migrants dans des hôtels et complexes touristiques restés vides en raison de la pandémie de Covid-19.

Ce triste bilan intervient alors que le navire de secours aux migrants Ocean Viking a annoncé son intention de repartir en Méditerranée d’ici mi-janvier, après une année noire en 2020. L’ONG SOS Méditerranée ne cache pas son inquiétude dans un contexte sanitaire et politique « extrêmement délicat ». « On repart en mer très déterminés mais en sachant pertinemment que le contexte sanitaire et politique est extrêmement délicat », a expliqué Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée en France, à bord du navire, accosté dans le port de Marseille depuis dimanche, après cinq mois de blocage en Italie.

Il n’y a toujours pas d’accord entre les pays européens sur la répartition des personnes débarquées « donc on sait que potentiellement nous allons devoir patienter en mer avant de se voir attribuer un port sûr » pour débarquer les personnes secourues sans doute en Italie ou à Malte, a-t-elle poursuivi au cours d’une conférence de presse.

« Avec le temps, les migrants ont appris à me connaître, je suis devenue un réseau social à moi toute seule ! » – INFOMIGRANTS

Publié par INFOMIGRANTS le 27/03/2019

La justice marocaine a récemment abandonné toutes les charges qui pesaient à l’encontre d’Helena Maleno. Accusée de trafic d’êtres humains, cette militante espagnole basée à Tanger est connue de beaucoup de migrants passés par la région. Portrait d’une battante.

Pour Helena Maleno, la mer Méditerranée a toujours été un lieu de joies “appartenant à tous”, celui des bons souvenirs d’enfance, celui qui l’a vu grandir à l’ombre des vastes serres de fruits et légumes de la petite ville d’El Ejido en Andalousie. Fille d’ouvriers agricoles, elle côtoie de nombreux travailleurs saisonniers, souvent sans-papiers, à qui la ville doit sa prospérité.

Mais un jour de février 2000, El Ejido s’enflamme. C’est un double meurtre commis par un déséquilibré marocain qui met le feu aux poudres. Les émeutes feront quelque 80 blessés et laisseront l’Espagne tolérante sous le choc. “Depuis quelques temps, je sentais le racisme monter parmi mes voisins et au-delà. D’un côté, ils utilisaient les migrants comme main d’œuvre, mais de l’autre, ils ne les intégraient pas à la société. J’ai trouvé cela injuste. C’est là que j’ai commencé à vouloir les défendre”, confie Helena Maleno, jointe par InfoMigrants.

Diplômée de journalisme, elle se lance dans des investigations. Traite des clandestins, prostitution, trafic de drogues ou d’organes : dénoncer “le business autour des migrants” devient alors son combat au quotidien. C’est dans ce contexte qu’elle part s’installer au Maroc en 2002. “J’ai été chercheur, j’ai aussi travaillé pour l’ONU ou pour le défenseur des droits espagnol. Et en parallèle, j’ai toujours continué de militer. Au début c’était de manière informelle, et petit à petit on est devenu un collectif.”

« La première fois qu’on m’a appelée pour un bateau qui chavirait remonte à 2007 »

Aujourd’hui, Helena Maleno est à la tête de Caminando Fronteras (Walking Borders), une association de défense des migrants basée à Tanger. “Je travaille beaucoup autour de l’accès aux droits, par exemple inscrire les enfants à l’état civil, la santé sexuelle des femmes, des meilleurs soins etc. Et on est aussi présents autour des naufrages : on va visiter les morgues pour connaître le nombre de victimes et essayer de les identifier, on accompagne parfois les proches, on relaie les photos des disparus etc.”, décrit Helena Maleno.

En 20 ans, l’Espagnole est devenue un pilier dans la région et au-delà. “Mon numéro circule beaucoup parmi les candidats à l’exil. La première fois qu’on m’a appelée pour un bateau qui chavirait remonte à 2007. Petit à petit notre réseau d’entraide s’est construit. Avec le temps, les migrants ont appris à me connaître, je suis devenue un réseau social à moi toute seule”, plaisante-t-elle.

Désormais, une ligne téléphonique est ouverte en permanence pour recevoir d’éventuels appels de détresse des migrants en mer. “Quand on nous appelle, on essaye de récolter un maximum d’informations et on transmet immédiatement aux secours. Je pense qu’on nous appelle car les migrants ont confiance en moi, ils se disent qu’il y a plus de chances que les secours viennent si je les préviens”, raconte celle qui se dit toujours surprise par sa “popularité” parmi les migrants.

Plus de sept ans d’enquête contre la militante en Espagne et au Maroc

Mais le combat d’Helena Maleno est loin de faire l’unanimité. Depuis des années, cette dernière est en effet sous le coup d’une enquête initiée par la police espagnole en 2012 qui l’accuse de “trafic d’êtres humains et émigration clandestine”. Sans preuve concrète, le dossier a été confié au Tribunal de Tanger en 2014, qui a finalement décidé de classer l’affaire en décembre dernier après des années d’enquête et d’angoisse pour Helena Maleno.

“Contrairement à l’Espagne qui ne m’a jamais convoquée, au Maroc j’ai pu me défendre, j’avais un avocat spécialisé en Droits Humaines, un bon traducteur, beaucoup de soutien dans les médias et la population. Même le rapporteur des Nations unies est monté au créneau”, raconte Helena Maleno. La décision d’abandonner toutes les charges a finalement été confirmée en appel mi-mars, la justice marocaine réitérant qu’il n’y avait aucune preuve d’un crime.

“Avec cette décision, le Maroc dit que le droit à la vie est plus important que la politique migratoire de l’Union européenne. Cela peut faire jurisprudence. Ma victoire, c’est une victoire pour tous”, estime-t-elle. Après ce long combat, émaillé de menaces de mort à son encontre, la quadragénaire est marquée. Mais aussi plus déterminée que jamais à faire avancer la cause des migrants et celle de ceux qui la défendent.

Son travail a plusieurs fois été récompensé ces dernières années à travers le monde. Elle a notamment reçu le prix « Nacho de la Mata » en 2015 du Conseil général des avocats espagnols, le prix de l’Association espagnole de défense des droits humains en 2018 et le prix MacBride pour la paix décerné en 2018 par le International Peace Bureau.